Autour du meurtre au Manoir du Prédic

L’affaire a fait grand bruit à l’époque autour de la Pointe Saint Mathieu, située à quatre kilomètres de Plougonvelin, dans le Finistère Nord.

Jean Marie KERRIGUY (sosa 38) et sa femme Marie Catherine Le MILLOUR (sosa 39) vécurent au Manoir du Prédic, ses enfants y sont nés et son père y est décédé. Ils y travaillaient comme cultivateur et ménager.

En faisant des recherches sur ce manoir, qui existe encore, j’ai appris qu’il avait été le témoin d’une affaire de meurtre en 1718.

L’affaire est détaillée dans le document « Procédures criminelles 1671-1789 » de la juridiction abbatiale de Saint-Mathieu.

La description du cadavre trouvé y est décrite de manière très précise :

Date: 30/06 & 01/07/1718
[Mtr. Ollivier Ulfien a été commis d’office pour instruire le dossier de l’assasinat de mtr. François Le Duff à la place de mtr. Noël Pohon, car celui-ci était parent allié du défunt. Mtr. René Tronsson, écuyer, sieur de Perros, avocat à la cour, sénéchal et seul juge de la jur. abbatialle de Saint Mathieu s’est rendu au manoir du Prédic en compagnie du dit Ulfien, d’un greffier et d’un interprête et d’un aide de justice Clément Thomas, sergent du siège royal de Brest ] et s’y étant rendu, suivi d’une populace, ayant entré dans une chambre du dit manoir au dessus de la cuisine, y auriont trouvé un cadavre proche de l’entrée d’icelle à un pied ou environ gisant sur le ventre qui nous apparu roide mort, lequel cadavre vêtu d’un justaucorps et veste de drap d’elbeuf couleur de lande ? portant une culotte de couleur brune qui parait être de penchina, ayant des souliers à une semelle à talon de bois, dans lesquels il parait une paire de bas de laine noire et une paire de chaussette de fil blanc sous les dits bas noirs, un chapeau noir et une perruque blonde, le dit chapeau ayant un braye noir, demi castor étant au chef du dit cadavre, … le dit cadavre portant cheveux noirs et icelui cadavre étant de 5 pieds 4 pouces de hauteur ou environ, ayant la tête du côté du nord, et les pieds de celui du midi, et sur ce qu’il ne s’est point trouvé de chirurgien sur les lieux quoiqu’averti, nous avons laissé le dit cadavre en l’état qu’il est …

[Suit la description des blessures du défunt par Pierre Fouet chriurgien …]

Le meurtre a eu lieu le 29 juin 1718.

Maître François Le Duff, avocat au Parlement, a été roué de coups et étranglé par Hervé de Kersulguen, seigneur du Bizlou ou Bilou.
L’avocat, locataire du manoir, ne souhaitait pas quitter le manoir comme l’exigeait le propriétaire, le différent a mal tourné.
Avant de prendre la fuite, le seigneur du Bizlou s’est vanté, dans un cabaret de Lochrist, d’avoir lui-même étranglé l’avocat.
Les coupables furent condamnés à mort par contumace et à la pendaison en effigie sur la place de Saint-Mathieu, ils ne furent jamais retrouvés…

Mes ancêtres ont-ils été impactés par cette affaire de meurtre ?

Sont-ils parmi les témoins appelés à comparaître ?

A la requête de mtr. Ollivier Ulfien, assignation à comparaître (les 2 et 5 juillet 1718 ):

  • écuyer Georges de la Ferriere
  • autre écuyer Jullien de la Ferriere, son frère, demeurant au manoir de Kervasdoué, Plougonvelin
  • Renée Podeur veuve d’Ambroise Inizan
  • Jan Inizan, son fils et Catherine Inizan, sa fille, tous trois du bourg de Plougonvelin
  • François Trebaol, valet domestique des révérends religieux de l’abbaye de Saint Mathieu
  • Jan Querbastor, fils de Laurans Kerbastor, boucher et d’Anne Ropartz, demeurant avec ses père et mère en la ville de Brest, paroisse de Quilbignon

Renée PODEUR :

  • fille de Hervé (sosa 2746) et Marie KEREBELL (sosa 2747)
  • soeur de Claudine (sosa 1373)
  • veuve de Ambroise INISAN
  • cabaretière au bourg de Plougonvelin
  • dépose comme témoin le 27 juillet 1718

Renée Podeur, aubergiste du bourg de Plougonvelin, 63 ans, dépose que le 25 juin dernier, le défunt sieur Le Duff se présenta à elle frappant à sa porte au dit bourg de Plougonvelin à nuit fermante, venant de Brest à cheval et lui demanda un demi sétier de vin, lui disant qu’il allait au Prédic et lui montrant qu’il n’avait aucune arme, épée, ni pistolet et lui marquant que cette putain du Prédic avait été à Brest à l’audience de la cour royale, avait déposé 4 livres 6 sols pour devoir le faire décretté, mais qu’il s’en moquait, après quoi il s’en retira sans que la dite déposante eut su où il fût allé fors que le dit feu sieur Le Duff revint chez la déposante le lundi soir à cheval environ les 6 heures et lui demanda une chopine de vin ce qu’elle eut peine à lui octroyer parce qu’il semblait qu’il fût épris de vin, cependant elle lui donna un demi sétier de vin, lui paraissant ému de colère et [faché ?] de ce que la déposante avait pris un des enfants du sieur du Prédic [semblait pour le brauer ?] et ayant fait rencontre du sieur Grall, prêtre, du dit Plougonvelin, lui donna une chopine de vin qu’il bût avec le dit sieur Grall en causant et se retira ensuite chez les sieurs de La Ferrière au manoir de Kervastoué, et le lendemain 28 du dit mois de juin, il se rendit avec le dit sieur de La Ferrière et son frère le sieur chevalier dans la maison de la déposante et ayant bu quelques bouteilles de vin et diné, ils se rendirent au manoir de Kervastoué où ayant resté jusqu’au mercredi 29 du dit mois, le dit sieur Le Duff, le dit sieur de La Ferrière et le sieur chevalier son frère se rendirent chez la déposante avec le clerc du dit sieur Le Duff lequel avait été cherché le dit sieur Le Duff chez la déposante pour lui dire que le sieur du Prédic avait rentré au dit manoir du Prédic et lequel ayant eu à parler avec Claudine Podeur soeur de la déposante, la dite Claudine Podeur dit au dit clerc qu’il ne faisait pas bien de rester ainsi au manoir du Prédic, crainte qu’il ne se fût levé quelques différents entre le dit sieur du Prédic et lui, à quoi le dit clerc répondit en sortant qu’il le craignait nullement ayant deux bons pistolets en poche, ce que la dite Claudine Podeur n’entendit point, et dans le moment, ils sortirent de la maison de la déposante pour aller à l’église à dessin d’entendre la messe mais qui était dite et revinrent chez la déposante déjeuner où arriva aussi la dlle Le Duff à cheval et suivie d’un petit garçon, et comme ils n’avaient point entendu de messe, ils furent à la grande messe, après laquelle ils se rendirent derechef chez la déposante où ils demandèrent du papier et de l’encre pour écrire un billet que la dlle Le Duff fût elle-même avec le clerc du dit sieur le Duff son mari porter au Prédic à dessin de le faire signer à Gabriel Le Moing et ayant retourné au manoir du Prédic sans que le dit le Moing eut signé le dit billet, la déposante ayant demandé au dit feu sieur Le Duff pourquoi il voulait chasser le dit sieur du Prédic de son manoir, il lui répondit qu’il ne voulait pas que le dit sieur du Prédic eut demeuré à demi lieue à la ronde du dit manoir et en même temps la dite dlle Le Duff ayant dit à son mari que le dit sieur et dame du Prédic étaient fort tranquillement dans leur chambre au dit manoir, le dit sieur Le Duff prenant la mouche, partit aussitôt semblant être ému de colère pour se rendre au dit manoir du Prédic à dessin de les expulser et de les en chasser et le clerc du dit sieur Le Duff ayant retourné pour prier le sieur de La Ferrière de les accompagner pour aller au dit manoir du Prédic, le sieur de La Ferrière le refusa lui disant que ce n’était point son affaire et qu’il n’y prenait aucun intérêt et apprit sur la vêprée du dit jour 29 juin par bruit commun que le dit feu sieur Le Duff était mort au Prédic sans savoir comment et est sa déposition de laquelle lecture faite

[un demi sétier de vin = 0,238 l ?, une chopine = 0,33 l ?]

Jan INISAN :

  • Fils de Renée PODEUR

Catherine INISAN :

  • Fille de Renée PODEUR et Ambroise INISAN
  • Veuve de Guillaume NEDELEC
Arbre Renée PODEUR

D’autres ancêtres furent amenés à comparaître dans le procès suivant, concernant l’héritage de François Le Duff. Etant jeune marié et sans contrat de mariage.

Mais cela est une autre histoire…

Sources :